Je suis un amateur assez tiède de tous les manuels, méthodes ou ouvrages d’apprentissage de la langue. Tiède parce qu’ils sont conçus comme des machines à apprendre, qu’ils essaient de saturer l’esprit, l’ouïe et la vue des amateurs de découvertes linguistiques en leur proposant tout un attirail de supports (depuis l’antique cassette audio en passant par la cassette vidéo VHS, le CD ROM et le DVD) plus perturbants qu’autre chose. On en trouve également en ligne… L’édition parascolaire en est friande parce qu’il existe une clientèle pour ce genre de produit. J’en suis aussi puisque je me suis mis à l’italien et au roumain de cette façon. Ne retiennent mon attention que ceux qui, manifestement, ne servent à rien, n’ont aucun propos pédagogique, refusent toute idée de progression et sont souvent des objets difficiles à identifier. Par exemple, en 2003, Brigitte Martin-Ayala et Henry Ayala avaient publié aux Presses Universitaires de Rennes un guide de l’argot espagnol qui prenait la forme sérieuse du dictionnaire alphabétique pour proposer un lexique du langage familier ou du langage grossier d’usage courant en Espagne. 2000 entrées, un travail tout à fait sérieux et conséquent. Fin 2008, une petite maison d’édition portant le nom équivoque de Blanche, propose un petit ouvrage dans la plus pure tradition du livre licencieux comme il s’en publiait tant au XVIIIème siècle : Je parle espagnol comme un(e) cochonn(e). Couverture aux couleurs de l’Espagne, il se présente sous la forme d’un ouvrage didactique parascolaire (et je l’ai d’ailleurs trouvé dans les rayons parascolaires de ma librairie à grande surface et pas dans les rayons de livres licencieux). Son auteur est anonyme ou plutôt il signe d’un pseudo plutôt amusant (Cándido Empalmado) et sa biographie est absolument fantaisiste. Mais l’ouvrage est rigoureusement charpenté, divisé en chapitres thématiques (Vida social, La percha, Fonctions 1, Fonctions 2, Picoler, Bouffer, Pognon, Bagnole…). Comme toute méthode qui se respecte, la mise en page est didactique. Chaque page impaire propose des textes, phrases ou dits traduits, la page paire proposant du vocabulaire (variant selon la thématique abordée), quelques remarques grammaticales et/ou d’usage. Une vraie méthode. Sauf que le contenu ne sera jamais mis entre toutes les mains… Mais tout y sonne tellement vrai quand on pratique l’espagnol de la rue, des bars ou des « juergas ». Dans cette veine, on retiendra, pour mémoire, l’ouvrage érudit de Camilo José Cela, « El Diccionario secreto », qui est la référence espagnole indépassable en matière de langage argotique ou grossier de notre époque. Cándido EMPALMADO, Je parle espagnol comme un(e) cochon(ne), 2008, Blanche, 125 pages. * Brigitte Martin-Ayala et Henry Ayala, L’Argotnaute, guide de l’argot espagnol, 2003, PUR, 394 pages.