Le 11 septembre se sont tenues à travers toute la Catalogne des manifestations commémorant le 33ème anniversaire de la prise de Barcelone par les troupes de Philippe V, roi d’Espagne, petit-fils de Louis XIV, après plus d’un an de siège. Les troupes étaient commandées par un Maréchal de France de souche anglaise, le Duc de Berwick. La bataille fut sanglante, mais sa conséquence fut surtout politique et juridique, puisqu’en janvier 1716 le roi d’Espagne promulguait un Décret consacrant l’extension du droit commun du Royaume (c’est-à-dire le droit castillan) de la Principauté catalane, la disparition de la plupart des fors et des privilèges, l’obligation de l’usage du castillan dans le traitement des affaires de gouvernement ou de justice.
Cette date est devenue ainsi la date symbole de la perte de l’autonomie de la Catalogne, et une fête nationale, célébrée officiellement depuis 1980. Le 330e anniversaire relevait de l’exceptionnalité, non seulement à cause de la date (trois siècles ont passé) mais aussi de la perspective annoncée d’un référendum pour ou contre l’indépendance de la Catalogne, proposé par la Généralité (le gouvernement de la Catalogne) pour le 9 novembre prochain. En quelque sorte, le Président de la Généralité catalane souhaitait faire de cet anniversaire le jour de lancement de la campagne pour le oui à l’indépendance, ce qui était clairement annoncé par la forme même de la manifestation à Barcelone : deux défilés convergeant vers la Place des Gloires, formant ainsi un V, le V de victoire.
Mais, nous le disions dans notre dernier billet, les circonstances se sont enrichies d’un élément nouveau, le vote qui se tiendra en Ecosse le 18 septembre prochain pour ou contre l’indépendance de cette partie du Royaume-Uni. Un succès du Oui en Ecosse servirait d’encouragement aux indépendantistes catalans, on comprend donc toute l’importance des semaines à venir.
Une différence doit cependant être notée, au-delà de tous les points de comparaison possible entre ces deux régions de l’Europe de l’ouest. En effet, des différences, il y en a : la Catalogne dispose d’une langue propre, puissant élément d’identification, l’Ecosse n’en n’a pas, l’une a un niveau de richesse comparable à la moyenne de l’Etat auquel elle appartient –l’Ecosse-, l’autre est l’une des plus riches d’Espagne. Mais la différence est plus juridico-politique : le référendum pour le YES est légal, il résulte d’un accord, le référendum du 9 novembre en Catalogne ne l’est pas, sa validité a été rejetée, même à titre consultatif, par le gouvernement espagnol. Ce qui faisait regretter à Artur Mas, président de la Généralité de Catalogne, cette intransigeance :
« Nosotros envidiamos un poco lo que está ocurriendo en Reino Unido, lo que queremos es un acuerdo con las instituciones españolas ».
Comme pour l’Ecosse, même un vote favorable à l’indépendance ne scellera pas la séparation de l’ensemble espagnol. Loin de là. La prochaine étape prévue par le gouvernement catalan sera la dissolution du Parlement régional, appelant ainsi à envoyer à la Generalitat une majorité massive de députés indépendantistes pour renforcer et légitimer un peu plus ce projet. La différence de fait et de droit, c’est que l’Espagne est dotée d’une Constitution formelle, mais pas le Royaume-Uni. Les liens de l’Ecosse avec l’Angleterre sont signifiés par un Traité datant de 1707 dont on peut consulter le texte :
http://mjp.univ-perp.fr/constit/uk1707.htm
A première vue, le contenu peut rappeler le décret de Philippe V, mais il fait retenir qu’il s’agit d’un Traité et non pas d’un Décret, qu’il a été approuvé tour à tour par le Parlement écossais et par le parlement anglais après près d’un an de négociations. Il y a donc en effet une différence entre Cameron et Rajoy : l’un se situe dans le veine négociatrice anglaise, l’autre dans l’esprit centraliste bourbonien. Honni soit qui mal y pense ou Nec pluribus impar…