Elections municipales et régionales en Espagne

Il est difficile de dire ce matin si la percée électorale de Podemos et de Ciudadanos a un sens profond et aura des conséquences dans la structuration électorale des partis politiques en Espagne. Ces deux formations nées du ras-le-bol des classes moyennes devant les effets désastreux des politiques d’austérité menées par le gouvernement du PSOE puis par celui du PP depuis 2008, ont gagné une certaine visibilité sans pour autant conquérir de positions véritablement hégémoniques.

Leur percée rappelle, toutes choses égales par ailleurs, la poussée poujadiste des années cinquante en France, avec son fameux slogan « Sortez les sortants » avec des nuances profondes, il s’agissait de la manifestation de ras-le-bol d’une autre fraction de la classe moyenne, les commerçants et artisans, alors puissante en France et à l’aube d’un déclin social définitif…  avant sa résurgence sous des formes plus politiques sous la bannière du FN qui se présentait aussi et se présente encore comme « anti-système ».

Ciudadanos est plutôt de droite, plutôt hyper-réformiste au sens moderne du terme, autrement dit c’est une formation libérale, favorable à la réduction du poids de l’administration, mais pour le maintien d’une politique sociale, et également et surtout  marquée par une forme de nationalisme unitaire espagnol.

Podemos est né du discours anti-crise des années 2000 en Espagne, de ces mêmes classes moyennes,  plus jeunes et très diplômées. Les accents de son discours sont à dominante anti-capitaliste, menant une critique des banques et du système financier, défendant aussi l’idée d’une juste répartition des richesses et d’ une démocratie participative et réactive.

Les deux partagent le même point de vue critique sur l’état avancé de corruption des professionnels de la politique en Espagne.

Il est difficile d’évaluer leur percée aux municipales qui ont eu lieu ce dimanche 24 mai, pourtant il s’agissait d’un scrutin mobilisant tous les Espagnols sur la totalité du territoire national. En effet, Ciudadanos n’a pas présenté de listes partout et obtient un résultat global de 6, 65% des voix. Podemos a adopté une autre stratégie. Certainement conscients   de la jeunesse de leur organisation,  ses dirigeants ont probablement pensé qu’il serait difficile de poursuivre la campagne tribunicienne de conquête hégémonique de l’espace des idées engagée au cours de ces deux dernières années en se voyant assigné un pourcentage de voix qui figerait à jamais Podemos dans un rôle subalterne. Aussi ont-ils choisi de ne pas se présenter à ces élections sous leurs couleurs mais de se fondre dans des alliances locales à géométrie variable avec les écologistes ou même les communistes locaux. Ce fut le cas à Madrid et Barcelone, avec un certain succès.

Il en a été différemment pour les élections des parlements régionaux qui concernaient toute l’Espagne sauf l’Andalousie, la Catalogne, la Galice et le Pays Basque, quatre régions dont le degré d’‘autonomie est élevé et qui représentent, à elles seules,  près de 45% de la population.

Ces élections se faisant à la proportionnelle de circonscription (chaque province –l’équivalent espagnol de nos départements- en constituant une), Podemos a présenté des listes sous son label dans chacune d’entre elles avec des résultats variables mais significatifs (de 8% en Estrémadure à un peu plus de 20% en Aragon).

Ce sont donc deux percées mais qui ne sont pas suffisantes pour renverser la vapeur politique en Espagne.

D’un point de vue global, le mécanisme du choix électoral reste le même : on sanctionne celui qui gouverne –le PP perd beaucoup de ses positions dominantes-. La différence c’est que le vote contre au lieu de profiter aux socialistes a choisi de se porter sur ces candidatures critiques, signe que les Espagnols n’oublient pas que le PSOE a été un contributeur actif aux politiques d’austérité engagées depuis 2008. C’est là la nouveauté. Les effets collatéraux sont toujours les mêmes : ce sont les communistes (Izquierda Unida) qui perdent, et qui perdent même, ici ou là, toute visibilité, Podemos ayant agi comme une pompe aspirante de ses voix, voire de ses militants et même de ses cadres -tel est le cas de Madrid, tant aux élections municipales qu’aux régionales. Il résiste dans ses vœux bastions historiques, ici ou là (Asturies, Andalousie) mais sort très affaibli du scrutin.

Je reviendrai plus tard sur deux détails et une question :

Les détails:

  1. La tête de liste de la coalition madrilène qui talonne la droite pour le gain de la mairie de Madrid est présentée par un article d’El País sous le label-jeu de mot cholokhovien « el don apacible »… peut-être pour souligner qu’elle fut communiste et activiste pendant le franquisme. Elle est en passe de devenir une sorte d’Enrique Tierno Galván au féminin –Mater matuta ou Pasionaria des classes moyennes- si elle est élue, ce qui est loin d’être fait.
  2. Pablo Iglesias a déclare au soir du scrutin que « les grandes villes montraient la voie, qu’elles étaient le moteur du changement». Quand le sociologue politique reprend la main…
  3. La question:

Quelles seront les stratégies d’alliances des uns et des autres? Alliances sur programme ou alliances sous forme de partage du gâteau: tu me laisses faire ici et je te soutiendrai là-bas?

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