Lapin de six semaines?

En zappant d’un journal télévisé à un autre, je suis tombé sur l’interview d’un électeur de François Fillon qui nous expliquait quelle avait été sa déception de voir son candidat éliminé dès le premier tour, son refus de voter MLP mais aussi ses doutes face au candidat Macron. Il disait qu’il lui faisait penser à « un lapin de six semaines ». L’expression est jolie, mais pas très gentille pour le candidat puisqu’elle le prend pour un simplet. Mais la force de l’expression  est devenue  d’autant plus implacable que ce soir j’ai regardé (pour changer des débats sans débat) un épisode de l’inénarrable série Barnaby, où il était question d’un concours de beauté … lapine qui se tenait dans le comté le plus criminalisé d’Angleterre (de trois à six meurtres chaque semaine depuis 1997) celui de Midsomer!

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Si Keynes pensait qu’un investissement spéculatif pouvait ressembler à un concours de beauté où les critères absolus (meilleur candidat, meilleur programme, meilleure campagne) ne jouent pas mais plutôt des critères plus subtils:  anticiper la décision finale en l’estimant la plus partagée, se conformer au savoir partagé jamais remis en doute, sans recul critique. Mais je reviendrai plus sérieusement sur cette élection plus tard (après le second tour) pour la mettre en regard de ce que l’Espagne a vécu l’année dernière, situation assez semblable mais assez différente aussi en matière de l’apparition de « nouvelles formes de l’agir politique. »

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Peste brune et monarque républicain

Une fois de plus le néofascisme est présent au deuxième tour de l’élection présidentielle française. Une fois de plus près de 60% de l’électorat ayant formulé un choix au premier tour devra choisir entre un néofascisme qui, pèle-mêle, emprunte à la pensée maurassienne régionaliste, au discours colonial des années cinquante, à la relativisation des ruptures nées de la défaite de 1940, à la haine de l’étranger et une voix ambiguë, celle du laisser faire, celle de la divinisation de la richesse, celle qui veut corseter encore plus les droits liés au travail au bénéfice des droits liés au capital.

Le fait nouveau, c’est que, devant la puissance du mouvement social anti-austérité de ces derniers mois, le néofascisme français a ajouté à ses fondamentaux un volet social qui trouble le jeu car il fait écho à une réalité que la faiblesse des réponses libérales a aggravé.

L’impasse à laquelle ont conduit les politiques d’austérité sociale de ces années 10 est la principale cause de désintégration des catégories politiques qui prévalaient jusqu’alors. Il faudrait être aveugle pour ne pas le comprendre et cesser de se voiler la face en allant chercher des boucs émissaires un peu partout (les gauches anti-austéritaires étant les premières visées alors qu’elle ne sont qu’une conséquence de ces politiques). Cette vague d’appauvrissement des plus démunis a tout détruit sur son passage: la légitimité de l’Europe, la valeur des engagements des Etats, le sens même du suffrage… Ce trouble devient patent quand on voit combien les actes des uns et des autres nous montrent pathétiquement comment les libéraux ont réellement peur de l’inconsistance politique du candidat choisi par les libéraux. Il n’est pas un jour où le président sortant ne demande  de mettre un bulletin Macron dans l’urne sans définir la moindre ouverture vers un électorat populaire qui demande des garanties. Pour ce dernier, c’est une humiliation de plus: voter pour celui qui a promis une loi Travail XXL, qui ne s’intéresse aux pauvres que pour masquer le boulevard fiscal qu’il ouvre aux plus riches, a une vision corporative des syndicats .

Cet électorat populaire a le sentiment qu’on lui dit: « vote comme on te dit puis circule, il n’y a plus rien à voir ». Et que Macron ne bougera pas sur son programme social et fiscal pour, enfin, faire de la politique, malgré les appels des uns et des autres. Pourquoi ne bougera-t-il pas? Parce qu’il ne sait pas le faire. Cet étrange jeune homme ne connaît la politique qu’à travers ce que Hollande lui a appris et ce que ses conseillers en image semblent savoir: tenir un discours équivoque sur fond bleu pour séduire les gogos et ne faire que ce que lui demandent ses authentiques soutiens: les patrons et les financiers. Il n’a pas d’autre culture politique.