Consul de Pétain en Andalousie

Voici un livre anecdotique, acquis dans une brocante du vieux Caen.

Le titre est déjà une sorte de plaisanterie de mauvais goût: Eau de Vichy, vin de Malaga. Mauvais goût saturé quand on voit qu’il a été publié par les Editions du Conquistador en 1952. Il s’agit des souvenirs de Simon Arbellot de Vacqueur qui fut nommé consul général de l’Etat Français à Málaga en avril 1943. Journaliste monarchiste, il publia une biographie de Charles Maurras en 1937 chez Denoël, Maurras, homme d’action. Pendant l’occupation il fut sous-directeur de la presse et de la censure rattaché au Ministère de l’information jusqu’en 1942. Il est surtout connu pour avoir affirmé être intervenu, à la demande de l’intéressé, pour que François Mitterrand soit décoré de la francisque. En janvier 1966, il raconte dans la revue Les Écrits de Paris :« François Mitterrand me demanda un jour, à moi et à Gabriel Jeantet, animateur des mouvements de jeunesse, de présenter sa candidature à la Francisque. Il fut admis à l’unanimité du conseil de l’ordre sous le feu approbateur du monocle de l’amiral Platon ». Un vrai collaborateur, bien inséré dans la machine politique vichyste, autant d’un point de vue idéologique que carriériste. Je vais le lire, je vous dirai.

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L’art moderne du discours : segmenter

Segmenter: dire à chacun ce qu’il attend que vous lui disiez… pour faire ensuite comme bon vous semble. Mais ici le discours est reflet commun de la pensée et de l’action. Il dit ce qu’il fait et fait ce qu’il dit (voir notre billet antérieur). Comme si entre progressisme et nationalisme (l’antagonisme « moderne » selon le chef de l’Etat), la différence n’était qu’une affaire de ton.

Le discours comme l’histoire ne se segmentent pas sinon pour dissimuler le mensonge. Et avec ou sans papiers, les étrangers ont été présents dans les heures difficiles:

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La guerre de Syrie et ses références

J’ai relevé le titre suivant dans sur la page Syrie de la chaîne d’info continue internationale France 24 : « À l’ONU, Paris dénonce des « crimes de guerre »[1] et compare Alep à Guernica ». Le sous-texte résume un élément du discours de l’ambassadeur de France à l’ONU, François Delattre :

« L’ambassadeur de la France à l’ONU a dénoncé dimanche des « crimes de guerre » commis à Alep. Il a comparé Alep à Sarajevo pendant la guerre en Bosnie et à Guernica pendant la guerre d’Espagne. »

J’ai déjà eu l’occasion de critiquer cet emploi abusif de la comparaison. Il est le plus souvent lié au besoin de créer une forte empathie par le discours, en ajustant des parallèles difficilement justifiables entre les guerres qui se développent ici et là et la guerre d’Espagne. En 1937 , la France tenait-elle le même discours devant la société des nations aussi bien pour le cas espagnol que pour le cas de l’Abyssinie?

Par ailleurs, les contextes étaient radicalement différents (qui étaient les insurgés ? s’agissait-il d’un objectif militaire ?). Comparaison n’est jamais raison mais émotion.

Ce petit « élément de discours » me fait penser à autre chose. Hier, journée dominicale de détente et de beau soleil, nombreux étaient les flâneurs qui se promenaient sur la digue de la plage de Saint-Laurent-sur-Mer, dans le Calvados. Le ciel était bleu azur, la mer déclinait toutes les tonalités possibles de bleus d’une autre sorte. Sur cette digue une plaque commémore un fait de l’histoire du XXe siècle extrêmement connu : le débarquement de 1944. Le nom de guerre de cette plage, qui était son nom de code, est bien commun de tous : Omaha Beach.

Elle résume les faits et insiste sur le fait que ce fut la plus meurtrière (bloody) des batailles du débarquement (1200 Gi’s sont morts sur cette plage). Or, en termes de militaires tués au combat, le débarquement en Provence d’août 1944 et le débarquement en Sicile de juillet 1943 ont été bien plus meurtriers.

Et puis, si on compte souvent les pertes militaires, on oublie les pertes civiles. Je rappelle qu’à quelques 20 kilomètres d’Omaha Beach, la ville de Saint-Lô fut totalement rasée par l’aviation anglo-américaine, provoquant la mort de 1500 civils. Ceci se passait dans la nuit du 6 au 7 juin 1944.

Donc, pourquoi Guernica ? Pourquoi ne pas évoquer le bombardement d’Hiroshima et de Nagasaki, le siège de Leningrad, la bataille de Stalingrad ou le bombardement de Dresde ? Ou les bombardements d’Hanoï et Haiphong de 1972 ? Parce que le souvenir du bombardement de Guernica est devenu un pur motif de discours, et plus grand-chose d’autre. Les chrétiens d’Alep doivent bien  penser quelque chose  de cet étrange usage.

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[1] Les guillemets à « crime de guerre » ne sont pas de moi, mais bien de l’éditeur de cette page.