Dans le cadre que nous avons essayé de comprendre, autrement dit dans le cadre du bilinguisme transfrontalier proposé par le texte, on peut se demander si, dans les faits ce bilinguisme (dont le Président a bien dit, qu’à ses yeux, il ne pouvait être confondu avec la coofficialité).
Voici ce que le quotidien Ouest France retient de son discours sur la langue corse du 6 février dernier (vous pouvez aussi ire le discours du président ici:
Emmanuel Macron a fermé la porte à la reconnaissance de la langue corse comme langue officielle au même titre que le français. La langue française « a été le premier sédiment » de la France, a-t-il estimé, jugeant « indispensable que nous gardions ce qui nous a faits ».
« La langue corse doit être préservée et développée », a-t-il néanmoins concédé, et le « bilinguisme pleinement reconnu et accepté » mais « le bilinguisme, ce n’est pas la co-officialité », a précisé le chef de l’État, prévenant qu’il n’accepterait « jamais de réserver à celui qui parle corse tel ou tel emploi ».
Le bilinguisme « est la reconnaissance de la diversité » mais « n’est pas une nouvelle frontière dans la République, la division de la Nation et du peuple français », a-t-il poursuivi…
Dans le discours d’Emmanuel Macron on trouve une ébauche de définition du bilinguisme qui n’éclaire pas la question. Même la notion de « premier sédiment » est contestable. S’il est fait allusion à l’ordonnance de Villers-Cotterêts de 1539, nous retrouvons le sens profond du discours de continuité de’Emmanuel Macron, continuité entre l’ancien et régime et notre temps, l’une de ses marottes:
…dans la République française, et d’avant même la République, il y a une langue officielle, et c’est le français.
Cette ébauche correspond à que nous pourrions appeler une idée reçue, un lieu commun, érigé en dogme, en ignorant les travaux des sociolinguistes (au Canada en particulier) qui distinguent plusieurs types de bilinguisme (additif, soustractif,etc.), ce qui ne permet pas de généraliser « l’enrichissement éventuel » du fait bilingue:
Le bilinguisme, c’est le contraire de ce qui exclut ou ce qui discrimine. C’est le fait de voyager entre plusieurs univers linguistiques. C’est un enrichissement, une ouverture. La défense légitime de la langue corse ne doit donc pas relever d’une logique de l’entre-soi qui pourrait mener, par exemple, à la fermeture du marché du travail à qui n’est pas Corse ! Mais elle doit permettre de mieux s’enraciner à bon escient.
Nous pourrions objecter que le bilinguisme est une affaire privée qui témoigne des variétés de contacts ou d’imprégnations culturelles des personnes et des familles. On ne comprend donc pas vraiment pourquoi la loi (ici le Traité, qui, une fois ratifié aura force de loi) tente de légiférer ce qui est de l’ordre de la vie privée. Ou alors le terme de bilinguisme vient masquer celui qu’on ne veut pas entendre, celui de coofficalité.
Soyons concrets. Est-ce que l’article 15 prévoit que les mairies de ces territoires devront gérer leur accueil au public dans les deux langues? Est-ce que la classe de l’école primaire de ces territoires devra permettre l’apprentissage et l’usage des deux langues? Est-ce que l’affichage commercial devra ou pourra se faire dans les deux langues? Il n’y a pas de réponse à ces questions. D’autres questions se posent: y-aura-t-il réciprocité? Dans quels territoires allemands?
Enfin pour finir, on peut se poser la question de la survie de l’alsacien. Quelques expériences associatives défendent le concept de bilinguisme en Alsace mais pas comme pourrait l’entendre le président, elles préconisent et appliquent un bilinguisme immersif alsacien-allemand, « pour sauver l’alsacien » menacé de disparition. Malgré les menaces d’arrêts des aides et subventions, elles ont réussi à faire céder le Rectorat, autrement dit l’Etat.