Les pays du sud de l’Europe et l’Allemagne

Le Monde daté de dimanche 24 mars avance comme une certitude que « Le sentiment anti-allemand flambe en Europe du Sud », particulièrement en Grèce et à Chypre, deux des pays les plus gravement atteints par la crise. L’hypothèse du quotidien français tient en deux arguments:

1. Le couple franco-allemand est défait (il n’y a pas de Merkhollande comme il y avait un système Merkosy).

2. Il y a un problème de gouvernance certaine dans l’UE.

On ne sait jamais trop ce que signifie « gouvernance » dans le pataquès moderne de l’analyse politique, puisque en parlant clairement on devrait dire que ce qui est remis en question c’est à la fois la légitimité des institutions européennes et leur pouvoir (ce que M Lamassoure, député européen du PPE, appelle « l’absence d’un pouvoir identifié« ).

Les manifestations outrancières deviennent le seul langage décrypté par les journalistes ( « moustaches d’Hitler et croix gammées « qui fleurissent un peu partout »). Et comme la chose est facile on évoque la « germanophobie  » des peuples du sud de l’Europe (« A Madrid, Lisbonne, Rome Athènes, la chancelière allemande incarne à elle seule une politique pourtant décidée -en principe- à vingt-sept » …).

Tout ceci est à rapprocher des accusations d’antisémitisme dont on accable Jean-Luc Mélenchon pour avoir dit que M Moscovici « ne pensait pas français » en matière sociale.

Belle erreur que de grossir à la loupe ce qui n’est qu’un prurit de temps de crise. Je n’ai pas vu de croix gammées à Madrid, je n’ai pas vu de moustaches d’Hitler sur les portraits des politiciens allemands en Espagne. Et ce n’est pas le fait que  les Fallas de Valence s’en sont pris à Merkel, en la présentant en ninot maîtresse d’école ou en manipulatrice de marionnettes, qui constitue la preuve d’un sentiment anti-allemand en Espagne. C’est, comme à l’habitude, la caricature inspirée par l’actualité qui se manifeste.

Aujourd’hui Merkel et Rajoy, hier Zapatero… et Sarkozy. La correspondante du Monde glisse tout de même que même si « le sentiment anti-allemand grandit en Espagne », il ne revêt pas une forme aussi violente qu’en Grèce ou à Chypre ».

 

 

http://internacional.elpais.com/internacional/2013/03/23/actualidad/1364072734_477620.html

On devrait se demander aussi si le sentiment anti-allemand des Grecs n’est pas tout simplement lié à leur propre histoire, celle d’un pays occupé et martyrisé par l’occupation nazie, situation que l’Espagne n’a pas vécue. Comme d’ailleurs le sentiment anti-britannique existe fortement dans ces deux pays pour des raisons historiques différentes.

Il y a une vieille tradition intellectuelle en Espagne qui a toujours eu une préférence certaine pour tout ce qui était allemand, que ce soit la philosophie ou la bière.

Et puis, ce sentiment n’existe-t-il pas en France? Ah, non! Nous les Français ne sommes pas germanophobes, c’est bien connu! Nous sommes essentiellement critiques envers la politique de Mme Merkel. Pourquoi donc les autres n’auraient-ils pas le droit d’être critiques?

http://finance.blog.lemonde.fr/2013/03/23/chypre-angela-merkel-joue-t-elle-leuro-a-la-roulette-russe/

C’est la politique de l’Allemagne qui est dans le viseur depuis sa réunification. Il ne faut pas négliger que la réunification a donné un poids démographique certain à ce pays, ce qui, en matière de géopolitique reste toujours un critère de première importance. Ne pas oublier non plus que la guerre des Balkans et la désintégration de la Yougoslavie il y a vingt ans ont ouvert un espace de domination  de cette puissance vers le sud et vers la Méditerranée. Il fallait s’alarmer de la chose dès 1989, et ne pas prendre le thermomètre pour la cause de la fièvre.

Je pourrais ajouter que le concept de couple franco-allemand est une lune française peu partagée outre-Rhin, mais ceci ferait l’objet d’un débat plus complexe.

Juste pour le plaisir:

 

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