S’il est un Dieu virtuel, l’euro doit l’être aussi. Les espagnols vont ajouter 19 milliards d’euros pour sauver Bankia, la bonne affaire de la semaine… et l’ancien Président du FMI, pas DSK, mais son prédecesseur, RR, vient d’avouer avoir trafiqué les comptes…
Quel poids représente donc ce sauvetage d’une banque (une seule) espagnole qui représente, au bas mot, car tout n’est pas dit, 23 milliards d’euros?
Pour donner un ordre d’idée, le déficit de la Sécu française était de 9 milliards en 2011. Le déficit cumulé public espagnol était de 98 milliards d’euros en 2011. Autrement dit, sauver cette banque alourdira d’un tiers le déficit public espagnol pour le mettre au niveau de celui de la France (90% du PIB). Ce mécanisme illustre bien ce que certains ne cessent de répéter: ce n’est pas le déficit public qui est un problème. C’est le niveau de l’endettement privé et les pratiques pour le moins brumeuses des organisations financières privées qui se sont portées vers des investissements hautement spéculatifs -fonds de pension anglo-saxons, en particulier- pour alimenter le crédit immobilier en essayant de fournir à leurs prêteurs une rentabilité élevée -hypothèques sur trente, quarante ou cinquante ans ave taux d’intérêt variables-. Au passage se sont multipliées les affaires de corruption, d’intérêts bien compris, dans les zones où la tension immobilière était à son plus haut niveau: les zones touristiques et la capitale, Madrid. Des affaires (« tramas ») que nulle commission d’enquête n’a vraiment pu éclairer.
Aujourd’hui la façade de l’Espagne est lézardée, les politiques du PP comme du PSOE ont montré leurs limites. Leur adoration du laisser-faire, leurs politiques sociales inexistantes, leur manque de perspectives en matière de développement (une élolienne ne rend pas le bonheur durable) et cette vieille tradition de l’argent vite gagné dans le franges grises du bizness en tout genre, ont conduit à laisser de l’Espagne l’image de ce qu’elle a toujours été: un pays en crise permanente où la spéculation est reine.
Au début du XXè siècle Joaquín Costa proposait cette définition de l’Etat espagnol: « Estado Social de barbarie »*. Son projet était de le « régénérer », plus d’un siècle plus tard, nous retrouvons ce pays dans uen situation similaire, une oligarchie qui place ses intérêts avant ceux de la communauté. Mais Costa pointait que la passivité du peuple laissait le champ libre aux trafics de ce mundillo et à son impunité. C’est ce qui a changé. Peu d’Espagnols sont dupes aujourd’hui, peut-être résignés, mais pas dupes.
http://www.elmundo.es/blogs/elmundo/contraopa/2012/05/31/la-nueva-farsa-con-bankia.html
Aprés avoir privatisé les profits, on socialise les pertes, belle loi d’airain du capitalisme…
http://politica.elpais.com/politica/2012/06/01/actualidad/1338553687_127280.html
* Oligarquía y caciquismo como la forma actual de gobierno en España: urgencia y modo de cambiarla (1901). Sur Costa, je signale un petit ouvrage qui reste, à mon avis l’un des plus éclairants sur la pensée de cet auteur: Joaquín Costa: Crisis de la Restauración y populismo (1875-1911) de Jacques Maurice et Carlos Serrano publié en 1977 par Siglo XXI.