Le talon de fer

Ici, à Madrid, le ciel bleu est revenu après la pluie. Un ciel paisible dans la tiédeur d’une fin d’automne agitée. Qu’est-ce qui agite donc l’Espagne ces derniers jours?

Peu de choses… la routine catalane: madame Artadi (rien à voir avec le négociant et producteur de vins d’Alava mais plutôt avec la gentry indépendantiste catalane) qui a trouvé un os à ronger: l’illégitimité de la monarchie… et, plus sérieusement, ‘annonce du pacte budgétaire entre le PSOE et Podemos qui, parmi d’autres mesures, a souhaité voir le salaire minimum passer à 900 euros (bruts). Les cris d’orfraie n’ont pas manqué… Les réactions positives non plus. Dans l’éternel combat entre le capital (celui qui ne vise qu’à accumuler) et le travail, une décision qui souhaite voir mieux se faire le partage des richesses a été salué par quelques chroniqueurs. Je vous joins celui de Raul del Pozo, « Boquera y forrados« , juste un son et un son juste…

Dans  Le talon de fer, Jack London fait prononcer à son héros, Ernest Everhard, des mots toujours actuels:

– Vous avez reconnu ce soir, à plusieurs reprises, par vos aveux spontanés ou vos déclarations ignorantes, que vous ne connaissiez pas la classe ouvrière. Je ne vous en blâme pas, car comment pourriez-vous la connaître ? Vous ne vivez pas dans les mêmes localités, vous pâturez dans d’autres prairies avec la classe capitaliste. Et pourquoi agiriez-vous autrement ?
C’est la classe capitaliste qui vous paie, qui vous nourrit, qui vous met sur le dos les habits que vous portez ce soir. En retour vous prêchez à vos patrons les bribes de métaphysique qui leur sont particulièrement agréables, et qu’ils trouvent acceptables parce qu’elles ne menacent pas l’ordre social établi.

Ceux qui protestent devant les augmentations de salaires ou, lorsqu’ils sont au pouvoir ne cessent de les transformer en « coût » qu’il faut réduire devraient y trouver source de réflexion.

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Se hace el camino al andar 26-J

J’ai souvent et assez sévèrement critiqué Podemos, son origine, sa façon de gérer la politique comme une affaire de marketing et de communication. Il ya toujours toujours trois temps stratégiques en politique: la conquête de l’hégémonie, le compromis programmatique et des alliances. Dans le premier cas la stratégie de segmentation du discours de Podemos (dire à chaque interlocuteur ce qu’il attend qu’on lui dise) a failli. Les contradictions étaient trop fortes et rendaient inaudibles les nuances données ici et là. Le résultat, nous le disions, c’est que le score de Podemos a été relativement décevant au scrutin précédent, sauf là où la deuxième étape avait été franchie, celle d’alliances avec les mouvements alternatifs et/ou associatifs. Ce n’est pas la tentative de négociation « à l’ancienne » avec le PSOE de l’entre-deux élections qui pouvait faire avancer cette formation vers plus de présence. Les manques criants de savoir politique et d’expérience me faisaient approuver la critique sardonique que le philosophe Gustavo Bueno adressait à Pablo Iglesias en novembre dernier, son discours ahistorique, générique et démagogue:

« Es un hombre semiculto de la Facultad de Políticas, que conozco muy bien. Allí se mezcla a Maquiavelo con Lenin, con Rousseau. Yo creo que es un anarquista, lo cual no es decir nada, y un demagogo que se cree que se puede partir de cero. Olvida la historia y en esas asambleas de la Puerta del Sol planteaba la regeneración de la democracia desde el principio, y eso es imposible porque la democracia es una cuestión histórica. Si no tienes una historia de España morfológica no sabes dónde estás. »

Le temps où les communistes étaient considérés comme des momies est terminé: « Me parecen respetables los que se conforman con el 5 por ciento, pero que nos dejen en paz. Siguen viviendo en el pesimismo existencial« . La suffisance aussi. Parce que les réalités ont montré les limites de cette stratégie. Et que le pessimisme ne fait que refléter une réalité qui n’est ni stratégique ni politicienne mais bien profondément sociale, celle de la pauvreté et de la précarité.

Le choix de sceller un accord programmatique et politique précis et souple à la fois avec Izquierda Unida tout en confortant une forte présence des NMS (nouveaux mouvements sociaux) laisse entrevoir une issue beaucoup plus favorable et laisse planer sur le PSOE la menace d’un sorpasso qui le marginaliserait encore un peu plus. Le rêve hégémonique d’Iglesias est peut-être à portée d’élection.

« Caminante no hay camino, se hace el camino al andar…«