Derrière cet étrange vocable se dissimule une part secrète de toute vie…
Dans la grande querelle d’école qui opposa les évolutionnistes et les fonctionnalistes, puis les structuralistes, une question restait posée autour de la question de la famille en tant que construction culturelle et formation sociale reconnue de façon universelle certes, mais avec des variations considérables.
L’intérêt pour la structure familiale considérée par l’église, mais pas seulement, comme le fondement de toute société, poussa les sociologues (entendons plutôt les anthropologues) à chercher des constantes en analysant les structures de parenté dans des sociétés réputées « primitives ». Alfred Reginald Radcliffe-Brown, anthropologue anglais, avait insisté moins sur les structures familiales établies par la filiation biologique que sur celles qui relevaient d’une essence plus culturelle, en particulier celles qui s’établissaient entre les oncles et les neveux quand les premiers étaient issus de la branche maternelle ou de la branche paternelle.
En lisant son ouvrage Structure et fonction dans la société primitive, et plus particulièrement le premier chapitre (écrit en 1924), “ Le frère de la mère en Afrique du Sud ”, je me suis retrouvé engagé dans un processus d’identification surprenant quand, nous parlant des relations entretenues dans la famille proche chez lez Bantous d’Afrique du Sud ou les Hottentots Nama, il affirmait :
« Le comportement d’un homme envers le frère de son père doit être du même type que le comportement qu’il a envers son propre père et il doit se conduire envers la sœur de sa mère suivant les mêmes modèles qu’envers sa mère. Les enfants du frère de son père ou ceux de la sœur de sa mère doivent être traités à peu près comme des frères et des sœurs. »
Je me demande toujours pourquoi aller chercher aussi loin ce que l’on a sous ses yeux. N’appartenant à aucune de ces deux ethnies, je vivais et je vis encore cette « extension » des conduites prototypiques de l’enfant envers ses parents génétiques aux frères et sœurs des parents, à l’égal de tous mes cousins, à l’intérieur d’un groupe familial dont l’expansion continue nous en fait perdre de vue les confins. L’objet n’est pas de rechercher ce que recherchèrent tous les anthropologues, la limite de la relation incestueuse à l’intérieur du clan familial, recherche des limites de l’interdit, mais bien de reconnaître une certaine légitimation de l’apport maternel dans la formation de l’EGO (le sujet considéré) à travers des figures tutélaires, culturellement positives, celles des oncles, figures plus hétérogènes et plus ouvertes que celle du père à des apprentissages sociaux. Un vaste champ qui, au-delà de l’idée reçue de famille, crée le lien entre l‘individu et le tissu social. En 1984, dans les Cahiers d’Etudes Africaines, José Gomes da Silva montre, en élargissant les sphères d’observations à d’autres régions que l’Afrique (le Caucase et les Balkans), que les règles de filiation sont insuffisantes pour décrire ce lien entre l’un et le multiple :
« On admet généralement que les règles de filiation explicitement énoncées constituent le moyen par lequel se trouve fixée l’identité sociale des individus Mais ces règles n’épuisent jamais la réalité sociale. »
José Carlos Gomes da Silva, « A qui ressemblent-ils ? »
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/cea_0008-0055_1984_num_24_94_2218
En quelque sorte, la recherche constante d’une loi ou règle universelle régulatrice des rapports interindividuels se retrouve toujours devant une réalité qu’ un coup de dés ne pourra jamais abolir.
Je dédie cette page à Florencio De La Fuente Antón (1936-2012), de qui j’ai appris beaucoup, sur l’Espagne et le monde.
Comme il fut un passionné de vélo, une image qu’il aimait particulièrement, celle de ce mano a mano fameux entre Anquetil et Poulidor, livré sur les pentes du Puy de Dôme le 14 juillet 1964.