Les élections parlementaires régionales se sont déroulées hier en Catalogne. Le résultat place clairement en tête la liste de coalition Junts pel sí sans pour autant lui accorder de majorité au sein du parlement (elle obtient 62 élus, la majorité requise étant de 68). En réalité l’allaince entre le centre droit et le centre gauche indépendantiste fait moins bien que lors du dernier scrutin où chacune de ces deux sensibilités se présentait séparée (51 pour l’ex-CiU, 20 pour Esquerra Republicana). Un recul de 9 sièges qui bénéficie principalement à la la liste CUP, indépendantistes radicaux, qui semblent récupérer les voix des indépendantistes de gauche qui ne voyaient pas d’un bon œil se mettre en place une sorte d’union nationale catalaniste (la CUP passe de 3 à 10 élus). Les autres partis perdent des sièges (le Parti Socialiste en perd 3, le Parti Populaire, 8 et l’alliance Communistes+Verts+Podemos fait moins bien que les communistes tous seuls en 2012 (- 2 sièges). Ainsi donc pour gouverner la coalition Junts pel si aura besoin du soutien d’une autre formation. Rien ne dit que cette force d’appoint soit la CUP… Les négociations commenceront par un préalable: la Parlement constitué s’engagera-t-il sur une déclaration de rupture dès sa mise en place ou le processus de « déconnexion » sera-t-il graduel (6, 12 ou 18 mois)?. La CUP est favorable à un acte de secession unilatéral immédiat, Junts pel sí pour « débrancher » en douceur… Un choix qui s’était déjà posé en 1934.
Le succès est donc là pour les indépendantistes mais il est mitigé. Il est cependant curieux que cette hégémonie du concept d’indépendance soit niée en Espagne. Même Le Monde s’est empressé ce matin reprendre les éléments de langage de la presse de centre droit espagnole et de l’Etat. Ces éléments consistent à dire que le plébiscite n’a pas eu le résultat escompté car avec 48% des voix et malgré la majorité acquise, l’indépendantisme est minoritaire en Catalogne.
Raisonnement paradoxal qui fait fi à la fois de la loi électorale fondé sur une proportionnelle « corrigée » selon le principe de la loi D’Hondt et qui vaut aussi pour le parlement espagnol où la majorité absolue du PP (185/350) a été acquise avec 44,62% des voix. Dans ce cas-là on pourrait rétorquer que tous les parlements espagnols depuis 1978 ont été légitimes mais jamais ne l’ont été les politiques que portaient les majorités.
En politique, hélas, il peut se trouver que les erreurs ne soient pas rattrapables. L’intransigeance de la droite au pouvoir sur la question fiscale et, plus généralement, sur la question de la redistribution des compétences a joué un rôle dans le raidissement observé. La droite avait certainement intérêt à souffler sur les braises pour canaliser en Espagne un sentiment anti-catalan déjà très partagé.
Enfin, le résultat médiocre de la coalition Catalunya, sí es pot tient à une raison: qui ne prenait pas position dans le débat sur l’indépendance ou clairement position sur la question n’était pas visible. Le choix était pourtant varié depuis l’indépendantisme sécessionniste de la CUP, en passant par la déconnexion par étapes, le fédéralisme, le confédéralisme, l’Etat multinational, le statut d’associé, le maintien du status quo… Mais cette coalition a choisi, ainsi que le fait Podemos depuis toujours, d’esquiver la question. Au fil des jours cette position (ni sí, ni no) était devenue inaudible.
Enfin je note que les leaders politiques en Espagne se plient de plus en plus à des critères médiatiques contraignants pour choisir leurs figures visibles. Ce que j’appelle « l’effet belle gueule ». Le cas de la liste Ciutadans, qui est celle qui progresse le plus en voix et en sièges, liste anti-indépendantiste de droite, illustre ces nouveaux choix. cette liste doit son succès autant à sa politique qu’à sa figure de proue, Inés Arrimadas.
Enfin, comment ne pas vous faire partager le point de vue de l’un des plus fins analystes de la vie publique espagnole: