Lo hecho, hecho está

Tel est le titre d’un entretien accordé au quotidien El País -édition du 9 décembre- par José Luís Rodríguez Zapatero, qui fut chef du gouvernement espagnol (socialiste) entre 2004 et 2011.

Il y est question de la publication d’un livre sur la crise, publication dont la mise en vente était prévue pour cet automne mais qui sera retardée. Livre autocritique? Livre d’ « ajuste de cuentas » avec son propre parti? Ou livre plus théorique qui pourrait tourner autour de la formule selon laquelle l’Etat ne peut pas tout? Le mystère reste entier…

Mais cette expression qui sert de titre à cet article est des plus fatalistes. Pouvait-il agir autrement que d’imposer des mesures d’austérité que celles qu’il prit en 2010 après avoir nié pendant des mois la réalité de la crise? Georges Pompidou, dans Le nœud gordien, soulignait la difficulté de la politique: toute décision devenait irréversible et une erreur ne pouvait que difficilement être corrigée, tant le pouvoir laissait celui qui l’exerçait dans une solitude glaçante au moment de la décision. Curieusement, ce n’est pas du même genre de solitude dont se plaint Zapatero, il ne pense pas à celle qui accompagne l’exercice du pouvoir (obsession de tout président français), mais à celle qui correspond à l’après.

Pas de critique de ces fameuses premières coupes budgétaires de 2010, mais un plaidoyer- justification qui consiste à dire que s’il ne les avait pas prises, la situation aurait été bien plus grave. C’est ce qui pèse sur tout le discours et l’action politique, faire en sorte que toute décision devienne irréversible, avec pour seul argument cette figure du renvoi vers une uchronie plus sombre à laquelle sans elle, nous n’aurions pas échappé.

Cette formule laisse transparaître ce qui sépare le projet politique partisan de la volonté politique populaire. L’un considère que ce qui est fait est fait, l’autre aspire au retour vers des temps meilleurs. Il semble que cette contradiction, élevée au rang de perfection par les gouvernements fondés sur l’alternance des modérés, aggrave encore le fossé entre vouloir et pouvoir politique.

En aout 2011 nous signalions que la plus belle phrase politique du mois nous la devions à Alfredo P. Rubalcaba (« Me voy a tomar un café, que me duermo »), phrase prononcée en marge du débat parlementaire espagnol sur l’adoption de la Règle d’or.

En voici donc une autre. Les deux mises bout à bout donnent bien l’image de ce qu’est la politique en Espagne aujourd’hui:

Lo hecho, hecho está, me voy a tomar un café, que me duermo…

ou

Me voy a tomar un café, que me duermo, lo hecho, hecho está…

On appelle ça la politique TINA (there is no alternative) avec une petite touche de vie quotidienne (el café para todos) et de travail accompli. A ce discours répond le renvoi dos à dos des chefs de partis. Cette période n’est-elle pas comme du déjà vu en Espagne? L’ombre critique de la plume la plus féroce du XXème siècle, Paco Umbral, nous le rappelait en 1983:

http://elpais.com/diario/1983/04/24/sociedad/419983208_850215.html

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