El embozo de la corrupción se llama retórica

On peut être surpris par le ton pessimiste et même fataliste du Président en exercice de la direction provisoire du PSOE, Javier Fernández. Depuis sa nomination il distille un discours de défaite ou de résignation. Cette ligne de discours est volontaire, elle vise à couper l’herbe sous les pieds des plus déterminés des socialistes à un vote contre l’investiture de la droite. C’est une variante du dogme TINA, appliqué non pas aux orientations économiques ou sociales, mais au jeu institutionnel (si on peut prétendre aujourd’hui qu’il s’agit d’un jeu). Par exemple, cette phrase sibylline que le journal El Pais met en une aujourd’hui : « La política exige convivir con la decepción ». Il s’agit peut-être d’une nouvelle inflexion du concept de « convivance », ou de « commun », dont le fondement serait, plus que le renoncement encore, la perte de toute illusion.

On comprend bien le dilemme, voter contre ou s’abstenir ouvrir à ouvrir à nouveau le débat à l’intérieur du parti, débat qui avait déjà été tranché en faveur d’un vote non. Et surtout on comprend le dilemme personnel d’un Président de région (Les Asturies) qui avait gagné son mandat en 2012 avec un nombre de sièges insuffisant (17/45), grâce à l’appui d’Izquierda Unida et des dissidents socialistes d’UPD. Autrement dit une parfaite coalition de gauche. Or l’essentiel de son discours consiste à disqualifier toute possibilité d’alliance avec Unidios Podemos. Ils sont populistes, des pharisiens, des Savonarole de poche, etc.

Prudemment, il dit que sa fonction est d’organiser un débat au sein du Comité Fédéral et non pas d’organiser une abstention favorable à la droite au sein du parlement. On sent comme une certaine amertume chez ce cadre socialiste , celle d’avoir accepté d’être à la manouevre dans cette opération peu reluisante et risuqée alors que ses partisans les plus déterminés restent bien à l’abri (Susana Díaz, Felipe González et les autres). Il doit craindre de payer localement son choix.

Comme pour sa plus grande affliction, s’est ouvert il y a quelques jours le plus grand procès pour corruption que l’Espagne ait connu, le procès dit du « caso Gürtel ». Ce procès montre à quel point la corruption à des fins de financement politique avait dérivé vers un enrichissement personnel de certains intermédiaires agissant pour le compte du PP. Ce procès risque d’invalider toute alliance possible entre le PP et Ciudadanos et rendre donc sans objet le hara-kiri du PSOE. On comprend pourquoi Felipe González souhaitait que Pedro Sánchez pousse les députés socialistes à s’abstenir en septembre. Cet homme a toujours eu un sens aigu de l’agenda.

Ajoutons, cerise sur le gâteau, que des soupçons de détournement de biens publics pèsent sur le Psoe andalou et le syndicat UGT.

Je me souviens de l’une des trois courtes citations que Raúl Morodo, ancien disciple et compagnon de route d’Enrique Tierno Galván qui ne l’avait pas suivi au Psoe, avait mise en exergue à ses mémoires (Atando cabos, memorias de un conspirador moderado, Madrid, Taurus, 2003):

«Todos los hechos son hijos de la corrupción; fuera de ellos reside lo irreal. De la inocencia surge la inocencia, de la corrupción, la necesidad. El embozo de la corrupción se llama retórica. Sabedlo para siempre: la corrupción es irremediable. Aprended a corromper y poseeréis la Tierra. Así hablaron los amantes de la Tradición: siempre que se restableció la corrupción, se restableció el Orden.»

 

[Cette citation est de Miguel Espinosa (Escuela de Mandarines), un penseur hétérodoxe espagnol comme il y en a eu quelques-uns au siècle dernier.  Par certains aspects vifs et tranchants de sa pensée, il rappelle aussi bien les fulminations du philosophe Gustavo Bueno, que les ratiocinations poético-linguistiques de celui que Cabellero Bonald appelait affectueusement (?) « el viejo hippie »,  le linguiste Agustín García Calvo.]

 

 

Citation du jour, 29 septembre 2014

« Un bon courtisan ne doit jamais avoir raison, il ne lui est point permis d’avoir plus d’esprit que son maître ou que le distributeur de ses grâces, il doit bien savoir que le Souverain et l’homme en place ne peuvent jamais se tromper. »
Baron d’Holbach, Correspondance littéraire, 1790.
Holbach-2.