Découpage, charcutage et autres tripatouillages

Je me suis inscrit à un Forum sur le projet de refonte des frontières régionales en France  qui semble rencontrer un asse franc succès, Forum au titre assez difficilement compréhensible (la question posée  suppose qu’on y réponde « non »): « Le redécoupage proposé par Hollande est-il cohérent selon vous ? »

La « danse des canards » s’est animée au point d’avoir suscité plus de 600 réactions et de se dérouler entre près de 200 agités du bocal (dont moi) qui critiquent sévèrement le projet Hollande ou, au contraire, qui le défendent (mollement, dois-je dire).

Le gros bataillon des intervenants est breton ou plutôt se concentre sur l’opportunité de laisser la Bretagne dans ses frontières actuelles ou de lui annexer la Loire-Atlantique. Tout y passe, les arguments historiques, économiques, culturels pour défendre l’annexion ou son contraire.

De temps à autre sont cités les exemples voisins de processus de régionalisation (Belgique, Italie, Espagne) non pas pour en faire des exemples, mais pour étayer, quelque fois sans fondements bien nets, le bien-fondé d’une telle réforme (ou son contraire).

La réalité est simple: régionaliser est tout d’abord un acte centralisateur quand il vient du haut. Même l’actuelle fédération belge n’est sortie que d’un vote des Belges. Pour ce qui est de la constitution des Communautés Autonomes espagnoles, elles sont aussi passées, pour certaines par le vote local et ont, en tout cas eu le mérite d’avoir été ratifiées par référendum par le vote de la Constitution actuelle en 1978.

Il faudrait donc en France un vote populaire (référendum) ou du moins un vote du Congrès avec majorité des deux tiers  (réforme constitutionnelle) pour que le « redécoupage » soit légitime (je dis bien légitime, c’est-à-dire légal par consentement).

Il reste la question de la « cohérence ». Non, ce projet n’est pas cohérent, il est politique. Autrement dit, il a plusieurs visées simultanées.

La première, c’est d’occuper l’esprit et les moyens de communication pour nous permettre d’oublier que l’objectif premier de nos deux derniers Présidents était de réduire le chômage, alors que tout porte à penser qu’ils ne maîtrisent pas le sujet (ou qu’ils ne veulent pas le maîtriser).

La deuxième, c’est de retarder techniquement les élections régionales. Le Monde publie cette info dans son édition du 3 juin dans un style délicieux qui ressemble aux commandes d’éléments de langage de la politique moderne en rappelant d’autres formules creuses et absconses comme « inverser la courbe du chômage » ou « notre route est droite, mais la pente est forte » :

« Afin d’accélérer le tempo de la réforme territoriale, le gouvernement a décidé de reporter les élections régionales à novembre 2015, soit huit mois plus tard que l’actuel calendrier. Stéphane Le Foll, porte-parole du gouvernement, l’a annoncé mardi 3 juin. »

On accélère en retardant… Joli, non?

La troisième, c’est de ne pas toucher à l’essentiel qui est la prolifération des ensembles locaux, communes, agglos, intercoms, syndicats communaux,  établissements publics de coopération intercommunale (EPCI), pour les rendre démocratiques -élus au suffrage direct- et efficaces – compétences de gestion budgétaire et mise en place de projets à échelle intercommunale-.

C’est un peu comme tous les projets de réforme dont on ne comprend pas le dessein, les moyens de communication de masse s’en emparent et on se retrouve piégés sous une avalanche d’avis et d’expertises en tout genre.

Bon, je m’y mets aussi: voici ma proposition de découpage:

neustrie-austrasie

 

 

Abdication du Roi d’Espagne

Le Roi chasse
Le Roi chasse…
...Vive le Roi!
…Vive le Roi!

Après près de quarante ans de règne, le roi d’Espagne, Juan Carlos de Borbón y Borbón abdique en faveur de son fils Philippe, qui devrait régner sous le nom de Felipe VI.

Evoquant brièvement son règne, ses succès, ses échecs et ses erreurs, sans démêler ce qui est de l’ordre de la Couronne ou ce qui est de l’ordre de sa propre personne,  le Roi dresse de son fils un portrait flatteur: « Mon fils Philippe incarne la stabilité, qui est le propre de l’institution monarchique… Le Prince des Asturies dispose de la maturité, de la préparation et du sens de la responsabilité nécessaires pour garantir pleinement l’exercice de la fonction de Chef d’Etat et ouvrir une nouvelle étape d’espoir combinant l’expérience acquise et le souffle d’une nouvelle génération.  »

Si des signaux alarmants ont conduit le Roi à cette décision (il les évoque discrètement), le premier d’entre eux est son état de santé (le corps fragile du roi…). Le deuxième signal tient tout entier dans le terme qu’il emploie (ces « erreurs » qu’il évoque tout aussi discrètement). Elles ne semblent pas relever de la fonction mais bien encore de la personne privée (aventures féminines, rapport à l’argent, etc.), ce que Le Monde résume en un titre bien ajusté: « la fin du règne de Juan Carlos écornée par les affaires ». Oui, bien sûr, cornes et défenses de toutes sortes…

Il est trop tôt pour faire un bilan de son action, mais, ce qui est certain, c’est que les liens multiples qu’il a tissés avec les milieux d’affaires espagnols (banquiers, magnats de la presse, etc.) l’ont personnellement enrichi, bien que l’on ne sache exactement quelle est l’envergure de cette fortune (plus d’un milliard d’euros?). L’année dernière, ce sont des rumeurs de comptes en Suisse sur lesquels il aurait placé les 3 millions d’euros reçus en héritage de son père qui ont fait le buzz.

Les sommes qui sont prélevées sur le budget de l’Etat pour subvenir aux besoins de la Maison Royale ne représentent que 7 M. 775 o40 euros. C’est en tout cas ce que l’on relève page 104990 du Bulletin Officiel de l’Etat daté du 26 décembre dernier, un volume de plus de 500 pages qui détaille le budget 2014 de l’Etat espagnol. Une goutte d’eau si on la compare à ce que la dépense publique représente cette année (autour de 240 milliards d’euros). Mais, à l’échelle humaine, celle du corps périssable du roi, même en baisse (2% de moins qu’en 2013), cette dotation de quelques millions d’euros n’est pas rien. D’autant que l’on sait bien qu’une certaine porosité existe dans le budget entre la ligne dite de dotation et d’autres lignes telles que celles qui portent le titre évocateur de « Altos Cargos », émoluments exceptionnels versés à des personnels hors catégorie…

En tout cas, Felipe verra ses revenus officiels doubler, passant de 150 000 euros annuels à près de 300 000. Et, soyons rassurés, le Roi aura une pension de retraite complète, puisqu’il a accumulé les trimestres exigés dans le pays voisin: 150. Ouf! On respire…