Tiempo de silencio

Deux mois de silence… certains de mes fidèles lecteurs se sont demandé pour quoi depuis la fin du mois de mai, je n’avais rien ajouté à ce blog.

Tout d’abord parce que professeur d’université, comme bon nombre de mes collègues, j’étais pris dans la valse réformiste et des accumulations de projets (la nouvelle loi d’orientation universitaire) et les effets de la crise qui, inexorablement réduisent les moyens et les forces d e nos universités qui en sont à payer le prix des errements bancaires et de quelques décennies de folie du crédit privé. Allez savoir pourquoi nous devons, par nos réductions de dépenses, aider au renflouement d’un système capitaliste sans foi ni raison.  L’Université publique française est, dans le monde, depuis la disparition des pays du bloc de l’est, l’une des dernières à observer le principe de la gratuité. Mais elle est essoufflée, très essoufflée…

Et depuis quelques jours, enfin quelques vacances…  et la forme mentale revient. Mais pas très vite. Question d’âge.

Bien, revenons à nos moutons. Dans Le Monde ces dernières semaines, une série d’articles nous ont ramenés vers ce qui est au centre de notre intérêt, l’Espagne. Bien sûr, il y a eu cette catastrophe ferroviaire monstrueuse à Santiago de Compostela, qui peut aussi être pris comme le signe cruel d’une affliction nationale qui touche à la fois au symbolique (le 25 juillet est la St Jacques, plus grand jour d’affluence vers cette ville de pèlerinage) et la chair de chacun (l’excès de vitesse conduit droit dans le mur).

Deux jours avant cette catastrophe, dans un  numéro qui vantait le succès de l’entreprise de prêt-à-porter Desigual sur le marché chinois, était publié un long « Décryptage » de la situation espagnole par le plus médiatique des historomanciers de l’Espagne contemporaine, Javier Cercás.  Nous en parlerons une autre fois.

Je voudrais commencer par une courte chronique de Sandrine Morel  publiée le 25 juillet, Les Espagnols veulent comprendre la crise. Elle fait le point sur deux succès d’édition  récent qui, d’une façon très différente, tentent d’expliquer la crise que vit l’Espagne. Oui, bien sûr, ils veulent savoir. Comme nous voulons savoir pourquoi les  progrès sociaux engrangés au XXe siècle sont rognés jour après jour par cette sorte de maladie qui frappe l’Europe. Expliquer ce qu’est le phénomène de la monétisation et transformation en valeur d’échange de tout ce qui est (le sol, l’eau, le soleil, l’animal, le végétal et l’humain), expliquer le phénomène corollaire qu’est le crédit mais aussi la perte du sens de solidarité qui a prévalu jusqu’à ce que soit remise en question cette base sociale fondamentale: les créateurs de richesse doivent contribuer au bien-être de ceux qui ont contribué au leur (la vieillesse) et au bien-être de ceux qui contribueront au leur plus tard (l’enfance). Les fonds de pension, qui sont une sorte d’épargne personnelle pour s’assurer une retraite est la forme la plus aiguë de l’égoïsme social, comme le sont les assurances santé privées. Les deux sont fondées sur la spéculation qui tient compte de deux variables: l’espérance de vie et les capitaux engagés.

Garantir aux plus pauvres une cotisation minimale pour un rendement maximum a conduit aux déplacements spéculatifs de ces fonds vers cette autre zone d’ombre qu’est le crédit, monnaie de singe qui répond, dans 80% des cas à assouvir « le rêve virgilien » que Le Corbusier dénonçait en 1946 (dans Manière de penser l’urbanisme): celui de la maison individuelle et de son potager attenant. Gaspillage d’énergie, gaspillage de sols, gaspillage de dépense publique, en transports, voirie, surveillance, etc.

Deux ouvrages semblent sortir du lot: celui d’Aleix Saló, Euro pesadilla, alguien se ha comido a la clase media et celui de José Carlos Díez, Hay vida después de la crisis.  Optimistes ou pessimistes, ces deux livres sont des instruments pédagogiques pour comprendre la crise, pour savoir comment en sortir, c’est une autre affaire. L’un prône la rupture, l’autre la croissance (et la patience).

De la même façon, le n° 6 du magazine Usbek & Rica, qui se définit lui-même comme « le magazine qui explore le futur », nous propose un dossier de six pages consacré à l’Espagne sous un titre sans ambiguïté: L’Espagne, sans peur et sans futur » et un sous-titre qui enfonce le clou: Les villes se vident, les jeunes s’exilent et le pays s’enfonce dans la pauvreté. Reportage à Madrid, capitale européenne de la gueule de bois.

Visite guidée de la ville fantôme de Valdeluz, interview de Valentín, jeune homme diplômé qui n’a pas encore choisi de quitter son pays comme l’ont fait 200 000 personnes en 2012 selon le magazine lui-même.

Et enfin trois scénarios possibles:

 

1. la rupture entre le nord et le sud de l’UE et la formation d’une Union méditerranéenne,

2. la prise de pouvoir par les Indignés, enfants du 15 mai 2011 et leur radicalité éthique, politique et sociale

3. l’éclatement du pays par la séparation de la Catalogne tôt suivie par le Pays Basque, la Navarre et … La Rioja (?).

Enfin, puisque nous nous apprêtons à entrer en guerre contre la (ou en) Syrie, un petit dessin publié en 1990, alors que l’URSS disparaissait et que Georges Bush Sr pouvait dire « We won the cold war ». Son objet était de tourner en ridicule les capacités prédicatrices de Marx. Avec le vote des Communes il y a deux jours, ce dessin devient moins ironique, ne vous semble-t-il pas?