Torcuato Fernández Miranda (1915-1980) fut un brillant professeur de droit politique, pilier intellectuel de la fraction catholique du régime franquiste.
Il avait été le directeur des enseignements supérieurs au milieu des années cinquante, sous les ordres directs du Ministre de l’Education Joaquín Ruíz Jiménez et, vingt ans plus tard, Président des Cortes espagnoles, poste à partir duquel il pilota les manœuvres institutionnelles de réforme de la dictature avec le soutien du roi.
Il y a une cinquantaine d’années, alors qu’il n’avait pas encore été nommé Ministro Secretario General del Movimiento, autrement dit chef du parti unique franquiste, fonction qu’il exercera entre 1969 et 1974 avant que ne lui succède à ce poste, un an plus tard, un certain Adolfo Suárez, il publia un petit ouvrage didactique à l’usage des organisations de jeunesses de la Phalange. Il s’agissait d’expliquer à ces jeunes esprits les fondements doctrinaires du régime. Il s’agit d’un ouvrage didactique, un manuel de classe d’un style un peu particulier, appartenant à une collection (La Biblioteca de Educación Política) dans laquelle on retrouve d’autres signatures de d’intellectuels falangistes telles que le romancier Gonzalo Torrente Ballester, l’inévitable Manuel Fraga Iribarne, le cousin de Ramón Gómez de la Serna, Gaspar, et d’autres.
Je ne m’attarderai pas sur le contenu de cet ouvrage qui justifie d’un point de vue philosophique, juridique et oplitique la primauté de l’ordre sur la liberté. Je m’attarderai sur une photographie présente page 31 de cet ouvrage qui présente un homme au visage souriant, vêtu d’un ciré sombre fixant l’horizon les deux mains posées sur la barre d’un bateau.
La légende de cette photo illustre le propos de notre auteur:
Así como la nave no llegaría a puerto si no fuera dirigida por el piloto, así la sociedad no subsistiría si alguien dotado de autoridad y poder no la ordenara al bien común.
Cette vielle image politique de la nation-vaisseau engagée sur des mers dangereuses est aussi vieille que la pensée politique…
Même Virgile en usa abondamment dans le Chant 1 de l’Eneïde, un bon et audacieux chef ne suffit quelquefois pas à affronter les terribles tempêtes de l’histoire.
Oronte, Chef hardi des adroits Lyciens,
Du plus haut de sa poupe encourageait les siens ;
D’un front audacieux il brave la tempête ;
Le flot qui s’en émut, s’élève sur sa tête,
Crève, et tombe sur lui, montre un abîme ouvert ;
La nef tourne trois fois, disparaît, et se perd.
D’où la surabondance d’images de l’Espagne en Titanic que ne renierait pas le plus réactionnaire des penseurs politiques espagnols du XIXè siècle, Juan Donoso Cortés.
Quelle solution reste-t-il donc au Capitaine d’un navire en perdition?
Gérer le temps. Maîtriser l’agenda… Il ne lui reste que ça. L’opération est gérée de la façon suivante.
Le 18 juillet El País publie un éditorial qui doit montrer que Zapatero doit partir dès que possible « pour rendre un dernier service a son pays ». Cet éditorial ressemble assez à un pronunciamiento d’une fraction du PSOE, qui sous les apparences d’une critique sévère, veut « cortar por lo sano », faire jouer à Z le rôle qu’il accepte de toutes façons d’endosser: celui de fusible. la date suggérée par l’éditorial est vague (fin novembre) et finalement, R Zapatero annonce des élections pour le 20 novembre 2011 tout en continuant à traiter de la crise en termes euphoriques: « La economía esta en via de recuperación, etc ».
http://www.youtube.com/watch?v=Q7YS1_R_cOE
La date du 20 novembre répond aux impératifs constitutionnels (dissolution le 27 septembre et élections dans un délai inférieur à deux mois), mais présente une anomalie curieuse, elle est la date anniversaire de la mort de Franco (1975) et de celle de José Antonio Primo de Rivera (1936), journée que les incurables du régime utilisent pour célébrer leurs nostalgies.
Zapatero a beau faire savoir que cette date « ne représente rien pour lui », il sait qu’elle pourrait rendre plus difficile un recentrage du discours de la droite par le parasitage des discours ultras ce même jour. C’est ce que semble penser l’éditorialiste d’El Economista (29 juillet) qui affirme:
Muchos votantes quizá, hartos de la política, podrían salir a votar con la excusa del día elegido. Evitar un giro a la derecha en España sería un motivo más que justificado.
Dans la presse de droite on soupçonne le piège tendu. Résumons: les républicains (les rouges) ont fait exprès de fusiller JA Primo de Rivera un 20 novembre, Franco a fait exprès de mourir un 20 novembre aussi, Zapatero a fait exprès de convoquer des élections ce même jour…
http://www.antonioburgos.com/abc/2011/07/re073011.html
Ca finit par nous rappeler 68 et l’un des slogans célèbres de l’époque: « Elections, piège à c… ». Et tous ces jeunes gens qui, partout en Europe, se révoltaient contre ce pays voisin où l’on fusillait encore au début des années soixante-dix, lire « Rue Froide »: